Le déménagement du Sporting d'Anderlecht : rêve ou cauchemar?
Agrandir son arène ou déménager au Heysel, tel est le dilemme du Sporting d’Anderlecht. Dans cette affaire, les enjeux sont multiples. Mais que se passerait-il si les Mauves quittaient vraiment le Parc Astrid. Plongée dans les alentours du stade Constant Vanden Stock.
La question de l’agrandissement du stade d’Anderlecht ne date pas d’hier. Si un accord entre la commune et le Sporting avait été trouvé en 2010, celui-ci est désormais remis en question. En cause ? Les revendications des riverains, mais aussi l’offre alléchante faite par l’Union Belge qui propose aux Mauves de jouer dans le futur nouveau stade national (à condition d’en financer la moitié). Alors, que se passerait-il si le Sporting d’Anderlecht venait à se délocaliser… au Heysel ?
Vendredi matin, 11h. J’entre dans un café situé aux abords du Parc Astrid. Devant moi se trouve un vieil homme, effectuant ses mots croisés sur une table proche de la porte d’entrée. Je me présente et lui demande si je peux lui poser quelques questions. L’homme accepte sans hésiter.
« Si Anderlecht déménage, ça ne m’affectera pas plus que ça, puisque je serai bientôt à la retraite. Mais pour la plupart de mes collègues cafetiers des environs, ce serait une catastrophe ! ». C’est avec ces mots que Michel Demarque, tenancier du café « The Champions » depuis 1973, nous décrit la situation dans laquelle seraient plongés les cafetiers situés dans les alentours du stade Constant Vanden Stock si le déménagement dudit stade venait à être acté. « Regardez autour de vous. Le café est vide. Et c’est ainsi toute la semaine. Les soirs de matches représentent facilement 90% de notre chiffre d’affaires ! ». Il est vrai que dans le quartier, hormis le ballet des élèves se rendant ou rentrant des cours et le passage des voitures, rien d’exceptionnel ne se passe. Les cafetiers auraient donc d’énormes difficultés à maintenir leurs établissements à flots. « Nous ne pourrions même pas demander à déplacer nos établissements en même temps que le stade, puisque celui-ci s’occuperait alors de tout ce qui tourne autour. Donc nous n’aurions aucune alternative… Le mieux serait encore que le Sporting reste à Anderlecht et s’agrandisse, tel serait mon souhait.» L’agrandissement, justement, est au centre d’un débat qui dure depuis de nombreuses années : « En 2005-2006 avait eu lieu une réunion rassemblant les commerçants, les représentants du club, ainsi que le bourgmestre de l’époque, le défunt Jacques Simonet (décédé en juin 2007, NDLR). Si la proposition d’agrandissement avait alors été acceptée, nous n’aurions pas cette discussion aujourd’hui ».
Pourquoi donc le sujet est-il toujours d’actualité ? Tout simplement parce que les riverains, qui ont d’ailleurs formé un comité et fait tourner une pétition, refusent de voir le stade s’agrandir. Ils se plaignaient déjà à l’époque, et c’est compréhensible, des difficultés et des incivilités engendrées par les supporters les jours de match. Sur la pétition de ce comité, les revendications sont claires : « Les riverains ne sont pas opposés au football. Bien à ses nuisances (impossibilité voire interdiction d’accéder en voiture chez soi, difficultés de parking, tapage nocturne, incivilités de certains supporters - urine, canettes, gobelets, paquets de frites -, vandalisme, perturbation de la vie sociale, contrariété pour certains commerces). »
Or, depuis le lancement de cette pétition, de nombreuses actions ont été menées afin de réduire les nuisances, comme nous le confirme Thierry Leroi, gérant de « La Tavernetta » : « Nous avons, à quelques reprises, des réunions avec la commune, mais c’était quasi systématiquement pour des rappels à l’ordre par rapport à la saleté ».
En effet, depuis la pétition, la commune a fait des améliorations, comme l’explique Thierry Pion, ex-chroniqueur pour le site du RSCA, sur son blog, en réponse à ladite pétition des riverains: « La circulation et les problèmes de parking, l’idée de configurer une zone piétonne les jours de matches, où l’utilisation de l’automobile serait réservée aux riverains me paraît parfaitement réalisable. Les alentours sont bien pourvus en parkings (Westland, Cora, Décathlon, Ikea…) d’où l’on peut facilement gagner le stade, soit à pied, soit en utilisant le métro.(...) Pour les saletés diverses, des sociétés proposent des produits durables en remplacement des gobelets jetables qui, en plus de traîner dans les rues et les jardinets et de se déplacer par vagues au moindre coup de vent dans un vacarme gênant, représentent un pur non-sens écologique. (…) Le « Wild Pissing » pourrait être sanctionné par de lourdes amendes voire des interdictions de stade (…) Il me semble qu’une négociation globale avec le RSCA doit être possible à ce niveau. Il est en effet communément admis que les clubs de football sont responsables des actes commis par leurs supporters à partir du moment où l’on ne peut identifier les auteurs d’actes dommageables. »
Thierry Pion, rencontré au « Meia café bar » géré par Daniel Fernandes, pense donc que le déménagement du stade n’est pas la bonne solution. Comme le faisait remarquer Mr. Fernandes, « Il ne reste, pour ainsi dire, que le problème du parking. Parce qu’il est vrai que seuls 10% des supporters d’Anderlecht viennent d’Anderlecht même ». Et Thierry Pion de rebondir : « On pourrait régler le problème de parking facilement. Mais il faudrait alors avoir un accord avec la STIB ou De Lijn pour avoir des transports en commun plus tard que les horaires habituels, de manière à ce que les personnes puissent facilement retourner à leur voiture. Sans cela, on ne saura rien faire ».
En fin d’entretien, Thierry Pion a encore formulé une remarque très intéressante: « Si le Sporting venait à déménager, le terrain reviendrait à la commune. Or, on voit mal la commune laisser un si grand terrain vide, ce serait un énorme manque à gagner. Le stade pourrait alors être remplacé par une salle de spectacle, ou repris par un (des ?) autre(s) club(s). Pour le moment, les riverains ne sont dérangés « que » une trentaine de fois par an. Mais ça pourrait être pire si l’une de ces deux hypothèses venait à se concrétiser… »
Bref, la situation va devoir se débloquer au plus vite. Car si la commune souhaite que le Sporting reste à Anderlecht, elle doit également tenir compte de l’avis des riverains, SES riverains. Les autorités locales apparaissent donc tiraillées entre d’un côté, des habitants mécontents et désireux de voir le stade déménager (ou du moins, de ne pas le voir s’agrandir), et de l’autre, un club implanté depuis 1908 dans la commune et qui est un véritable atout économique et sportif.
David Cusumano